La nouvelle procédure de divorce : accélération et simplification, vraiment ?
Il a fallu attendre les décrets des 17 et 20 décembre 2019 pour connaître les modalités d’application de la Loi du 23 mars 2019 qui réforme la procédure de divorce judiciaire. Certaines sont entrées en vigueur dès le 1er janvier 2020 et les autres prévues pour le 1er septembre 2020 sont pour l’instant reportées au 1er janvier 2021 en raison de la crise sanitaire du Covid 19.
Environ 55 000 couples divorcent chaque année dans un cadre judiciaire et l’objectif principal de la réforme est d’évacuer ces procédures qui encombrent les tribunaux judiciaires, peut-être au détriment du plus faible des époux et des enfants, le temps de la construction d’un divorce étant considérablement réduit.
Toute procédure de divorce engagée à compter du 1er janvier prochain relèvera des nouvelles dispositions et les instances préalablement introduites, quel que soit le stade de leur avancement seront régies par la Loi ancienne.
Les cas de divorce ne sont pas modifiés : divorce accepté, divorce pour faute et pour altération définitive du lien conjugal.
Les grandes nouveautés peuvent être listées de la façon suivante :
1- La phase de conciliation est supprimée.
La saisine du juge aura lieu par requête conjointe ou assignation remise au greffe et devra contenir à peine de nullité convocation pour une audience d’orientation et sur mesures provisoires dont la date sera communiquée par la juridiction par tout moyen selon les modalités à définir par arrêté du Garde des Sceaux (point non connu à ce jour).
L’assignation avec constitution d’avocat obligatoire devra être signifiée pour cette date quinze jours au moins avant l’audience.
A peine de caducité, l’assignation sera remise au greffe dans les deux mois de la communication de la date d’audience et au plus tard quinze jours avant l’audience d’orientation.
En cas d’urgence, la citation à bref délai autorisée par requête remplace la citation en conciliation, le défendeur devant constituer avocat au plus tard la veille de l’audience.
Lors de cette audience, le juge prendra les mesures nécessaires pour assurer l’existence des époux et des enfants de l’introduction de l’instance jusqu’à la décision définitive de divorce. Les articles 255 et 256 du Code Civil ne sont pas modifiés. Le juge statuera sur tous les points abordés aujourd’hui en audience de conciliation et aura toujours pour rôle de concilier les parties, de s’assurer du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et de veiller à l’équilibre des intérêts des époux.
Comme actuellement, les mesures provisoires pourront toujours être modifiées en cas de survenance d’un fait nouveau dans le cadre d’un incident de mise en état.
Le Juge fixera par ailleurs un calendrier de procédure ou constatera l’engagement des parties dans une procédure participative.
Les deux parties ou la seule partie constituée pourront renoncer à l’audience sur mesures provisoires mais il ne pourra y avoir de mesures provisoires sans la tenue d’une telle audience.
La présence des parties sera possible et même souhaitable, notamment quand il s’agira d’arbitrer la situation des enfants. Elle pourra même être ordonnée par le juge.
La procédure sera de ce fait en partie orale.
2- Du fait de la suppression de la phase de conciliation, l’assignation devra comporter deux parties distinctes : une relative à la demande qui abordera toutes les prétentions annexes au divorce (proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux, prestation compensatoire, report des effets du divorce…) et une partie relative aux mesures provisoires, cette dernière pouvant aussi être formulée dans des conclusions d’incident distinctes.
La cause du divorce ne sera pas obligatoirement mentionnée dans l’assignation et devra être impérativement réservée aux premières conclusions au fond en cas de divorce pour faute.
Dans un même acte pourront ainsi cohabiter les demandes d’attribution préférentielle du domicile conjugal, de pension alimentaire époux et enfant, la jouissance gratuite du domicile conjugal et la question de la prestation compensatoire. Tout cela en début de procédure et sans avoir pu utiliser des informations communiquées contradictoirement, ce qui va générer un important travail préalable de collecte d’informations.
3- Le divorce accepté et surtout le divorce pour altération du lien conjugal (ALDC) sont modifiés par la Loi. S’agissant du premier, l’acceptation des époux pourra résulter de la signature d’un PV d’acceptation lors de l’audience sur mesures provisoires mais aussi d’un acte sous signature privée des parties contresigné par avocats qui devra être suivi du dépôt d’une requête conjointe en divorce dans les six mois de sa signature. Ce même acte pourra être établi à tout moment de la procédure qui aurait été engagée sur un autre fondement ou sans choix de la cause de divorce.
Quant au divorce pour ADLC, le délai de cessation de communauté de vie est ramené à un an (au lieu de deux) et apprécié au jour du prononcé du divorce si l’assignation ne mentionne pas les motifs de la demande en divorce. Dans le cas inverse, le délai d’un an s’apprécie au jour de l’introduction de l’instance.
Il est donc envisageable de déménager au moment de l’engagement de l’instance et d’être assuré d’obtenir le divorce un an plus tard, à condition que l’époux défendeur ne porte pas les débats sur le terrain de l’abandon fautif du domicile conjugal.
4- Autre modification notable : les effets du divorce entre les époux sont désormais fixés à la date de la demande en divorce (placement de l’assignation ou de la requête conjointe), sauf à remonter à la date où ils ont cessé de cohabiter et de collaborer.
C’est donc le demandeur qui va fixer la date de la fin de la communauté, ce qui peut avoir des incidences importantes sur les droits respectifs des parties.
Les mesures provisoires s’appliqueront dès la demande en divorce. Et une décision rendue en audience sur mesures provisoires fixant une pension alimentaire s’appliquera rétroactivement à compter de la saisine. A noter que la jouissance du logement familial conserve un caractère gratuit jusqu’à la demande en divorce sauf décision contraire du juge.
L’appel des mesures provisoires relève du régime des ordonnances d’incident (Délai de quinze jours, circuit court).
5- Le juge du divorce pourra désormais être saisi de désaccords subsistants en cours de procédure s’agissant de la liquidation du régime matrimonial à condition de produire avant la clôture (et non au moment de l’introduction de l’instance) une déclaration commune signée par les deux époux et les avocats (article 1116 du CPC) ou encore le projet notarié visé à l’article 255-10 du Code Civil.
6- Et enfin l’exécution provisoire de droit ne s’applique pas aux procédures de divorce, sauf les mesures concernant les enfants et le devoir de secours entre époux.
Les règles sont donc inchangées. Rappelons que la prestation compensatoire peut être assortie de l’exécution provisoire en tout ou partie, lorsque l'absence d'exécution aurait des conséquences manifestement excessives pour le créancier en cas de recours sur la prestation compensatoire alors que le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée. Dans cette hypothèse, le défendeur devra impérativement se positionner sur une telle demande sauf à ne pas pouvoir solliciter devant la Cour la suspension de l’exécution provisoire.
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